Cet ouvrage étudie une population espagnole déportée, de plus de 50 000 personnes — prisonniers de guerre, marins, otages, suspects — dans ses comportements nationaux et catégoriels. Les opinions politiques s’y dévoilent, saisies à travers les évasions, la prestation ou le refus du serment de soumission au roi Joseph Bonaparte, les incorporations dans l’armée impériale, la correspondance interceptée que les déportés échangeaient entre eux. Le système de déportation fonctionne dans les faits, à l’échelon local, de manière plus chaotique qu’on ne l’aurait imaginé : depuis l’incarcération impitoyable des résistants illustres et des « exaltés » dans des forteresses jusqu’à la constitution de dizaines de « bataillons de travailleurs » chargés, ici et là, de creuser des canaux, d’assécher des marécages et de construire des routes. Émanant de diverses classes de la population et régions de France, les documents d’archives témoignent enfin de la façon dont les sujets de l’Empereur, loin d’imiter leur souverain crispé dans ses préjugés et sa rancœur anti-ibériques, réagissent plutôt favorablement devant cette masse, d’étrangers qui, cessant d’être à leurs yeux des ennemis détestables, sont souvent considérés comme des alliés malheureux, en vertu d’affinités politiques et religieuses dont la ferveur irrite les partisans de Napoléon.