Utilisé par les piétons, les cavaliers, les voitures attelées, le gué est avant tout un haut-fond naturel. Un inventaire des seuils existant dans le lit de la Saône entre Verdun-sur-le-Doubs et Lyon, réalisé à partir de l’étude des archives des Ponts et Chaussées, permet dans un premier temps de dresser une liste de gués potentiels. Dans un deuxième temps, la confrontation des données issues de la carte archéologique des berges, des prospections et fouilles subaquatiques, du suivi des dragages, de l’analyse des cartes et plans anciens et des archives militaires permet de replacer les passages à gué dans le contexte archéologique de toute une vallée. Le nombre de ces points de franchissement, leur pérennité et la variété des vestiges qui leur sont associés (habitats de l’Âge du Bronze, pavages d’époque romaine, pêcheries, moulins et clayonnages médiévaux, etc.) montrent que le lit mineur de la rivière était un lieu d’implantation humaine au même titre que ses rives. L’étude des gués permet également d’aborder d’autres sujets comme la présence à leurs abords de certains types d’objets aux époques protohistoriques et romaines, les motifs de traversée, la complémentarité avec les ponts ou les bacs, l’imaginaire lié au milieu fluvial. Les recherches menées depuis trente ans sur la Saône en Chalonnais (sous la direction de Louis Bonnamour), et sans lesquelles ce travail n’existerait pas, ont également prouvé que les cours d’eau pouvaient encore receler des aménagements conservés en place, malgré les travaux incessants dont ils sont l’objet depuis le XIXe siècle. L’étude des gués s’achève à cette période au cours de laquelle le partage de la Saône en biefs et la mise en eau des barrages marquent l’arrêt définitif de leur utilisation.