À l’aube du XXe siècle, un diagnostic extrêmement pessimiste de la situation du pays amène la nouvelle élite libérale à ériger l’école en l’instrument le plus fiable des transformations sociales dont elle rêve pour que la Bolivie puisse intégrer le concert des « nations civilisées ». La « régénération nationale » entreprise s’appuie alors sur une politique éducative qui aspire à créer de la modernité et de l’unité nationale. Civiliser et régénérer le peuple par l’école semble un pré-requis indispensable pour le rapprocher de normes et de formes de pensée considérées comme les seules voies vers le progrès. Le projet devient celui d’une « désindianisation » de la société. Création d’écoles publiques, nationalisation des programmes et des méthodes pédagogiques, premières initiatives étatiques en milieu rural, constitution d’un corps enseignant professionnalisé, sont quelques-unes des mesures de ces premières années. Le but initial semble être de fournir au plus grand nombre un bagage scolaire et culturel minimal. Mais ce projet homogénéisateur de la première décennie cède le pas, après 1910, à une politique éducative de la différenciation. Le blanchiment du peuple reste un idéal. L’école doit travailler à éliminer certaines distances... mais elle doit aussi veiller à en maintenir d’autres. Ce travail prétend ainsi dévoiler ce processus de va-et-vient que fut la politique éducative libérale, entre la recherche d’un rapprochement et celle d’un maintien à distance de l’Autre, celui qui était considéré comme malade, dégénéré, toujours si différent... et pourtant si nécessaire.