Marx considère le concept de « force de travail » comme un élément crucial de sa critique de l’économie politique, le concept étant indissociable de celui de survaleur. Il estime qu’en parlant de « prix du travail », faute d’avoir su distinguer le travail et la force de travail, l’économie politique classique s’est enfermée « dans des errements et des contradictions insolubles ». Sur cette confusion conforme aux représentations communes, reposent d’après lui « toutes les mystifications du mode de production capitaliste, toutes ses illusions de liberté ». À travers ce qui semble n’être qu’une simple question de mots, se trouvent ainsi en jeu des implications théoriques, idéologiques et politiques d’importance. Mais loin d’être acquis d’emblée, le concept de « force de travail » ne parvient à sa formulation explicite chez Marx qu’au terme d’une appropriation critique du discours des économistes qui s’étend sur une quinzaine d’années. Envisager au plus près des textes, des Manuscrits de 1844 au Capital, le travail théorique (avec ses hésitations) à travers lequel s’élabore ce concept, c’est, en adoptant un angle privilégié, restituer le mouvement qui conduit d’une critique philosophique fondée sur la notion de travail aliéné à la théorie proprement marxienne du mode de production capitaliste. C’est d’autre part, se donner les moyens de saisir l’enjeu des débats que le concept de force de travail suscite aujourd’hui encore parmi les philosophes et les économistes.