En Occident, l'idée de céréale évoque spontanément celles de moulin, de farine, de pain, etc. Pourtant, à la différence du blé, du froment ou du seigle, il est une céréale qui nous est familière et qui n'a pas vocation à être moulue : le riz. Céréale à « grain vêtu », le riz brut ou paddy (épillet), grain récolté et égrené, est recouvert de deux pellicules : la balle et le tégument qui enveloppent la partie ordinairement consommée, l'albumen. Sauf dans le cas exceptionnel de la consommation de riz complet (caryopse), ces deux pellicules sont dépouillées avant la cuisson. On appelle « décorticage » la séparation de la balle du paddy, « blanchiment » le détachement du tégument, et « mondage » l'ensemble des deux opérations. Souvent confondues avec l'usinage des agronomes – qui désigne en réalité le traitement industriel effectué dans les rizeries – les techniques traditionnelles du mondage conjuguent des savoir-faire précis et délicats, aujourd'hui tombés dans l'oubli. Pour les riziculteurs asiatiques de l'époque médiévale et moderne, le mondage du riz était une occupation quotidienne trop banale pour mériter d'être décrite ou commentée. Les savants avaient eux aussi tendance à négliger le sujet. Ainsi, au début du xixe siècle, alors que les instruments traditionnels et les techniques paysannes ou artisanales sont en voie de disparition, seul un petit nombre de descriptions subsiste : extrêmement disséminées, souvent sommaires ou fragmentaires. Au gré d'un remarquable travail d'érudition et d'analyse, Yoshio Abé reconstitue pour la première fois ces instruments et ces techniques. Élaborant leur typologie, considérant leur répartition géographique à travers le monde, l'histoire de leur diffusion et leur évolution, il nous plonge dans la réalité quotidienne de ce qu'ont été les civilisations du riz si magistralement décrites par René Dumont et Pierre Gourou.