« Si Cervantes est l’écrivain dont je me sens le plus proche, cela tient à sa qualité de précurseur de toutes les aventures : si sa familiarité avec la vie musulmane donne à son œuvre une indéniable dimension mudéjar, l’invention romanesque, à travers laquelle il assume la totalité de ses expériences et de ses rêves, fait de lui le meilleur exemple de l’attitude illustrée par le dicton : humani nihil a me alienum puto. Trois siècles et demi plus tard, les romanciers font encore du “cervantisme” sans le savoir : en composant nos œuvres, nous écrivons à partir de Cervantes et pour Cervantes ; en écrivant sur Cervantes, nous écrivons sur nous-mêmes, que sa ferveur islamique nous soit étrangère ou familière. Cervantes reste le point vers lequel toujours convergeront nos regards. » Juan Goytisolo, extrait de « Vicissitudes du mudéjarisme », in Chroniques sarrasines, Paris, Fayard, 1985.