Cette étude explore dans une perspective comparative la présentation historique et l’interprétation philosophique de la décadence de la res publica chez Salluste et Tite‐Live. Dans la première partie, il est montré que Salluste et Tite-Live sont les premiers auteurs à avoir choisi comme thème central de leur récit le progrès et la décadence d’une cité. À travers un examen précis des étapes de la décadence chez les deux auteurs, il est remarqué que Tite‐Live apporte constamment des corrections à la théorie de Salluste. Le schéma d’aucun des deux historiens ne se conforme à une vision cyclique ou linéaire du temps. La représentation biologique de la cité montre aussi que les hommes sont les seuls responsables pour la maladie de la décadence. Or, la reprise du progrès, selon une conception cyclique et la guérison du corps de l’État sont évoquées comme perspectives seulement par Tite-Live. La deuxième partie est consacrée aux causes de la maladie de la décadence, et la troisième à la guérison de la res publica. Trois facteurs sont examinés en détail : les facteurs « divins », le metus hostilis et la nature humaine. Tite-Live renverse l’analyse de plus en plus pessimiste de Salluste, et réintroduit l’homme en tant que facteur principal de l’histoire et comme responsable de la décadence. Dans la troisième partie, leur vision différente de l’avenir de Rome est mise en lumière, à travers l’étude de la position politique et de la fonction exemplaire de l’œuvre des deux historiens. Il en ressort que Tite-Live adopte les catégories sallustéennes d’analyse, mais conçoit sa propre présentation et interprétation de la décadence en réponse à son devancier, dont il renverse les théories.